En 1810, une esclave sud-africaine, Saartjie Baartman est embarquée par un sergent de la marine anglaise à destination de Londres où elle devait entamer 187 années de calvaire européen, exhibée dans les cirques, les musées, les bars, les universités pour finir disséquée, le corps moulé dans du plâtre et les restes humains conservés dans un bocal de formol au Musée de l‘Homme à Paris... jusqu’en mai 2002!
Le 19ème siècle est désormais connu tant pour ses lumières que pour ses obscurantismes, et on peut s’attendre à déterrer des histoires individuelles extraordinaires, des tragédies, des savants cachés ou oubliés parce que pas assez purs de race… Que l’on évoque Alexandre Dumas ou le Chevalier Saint-Georges en France, Abraham Hannibal en Russie, autant de personnalités au sang africain ou mêlé qui ont illuminé leur temps et que la postérité s’est attelée ou à blanchir, ou à faire disparaître de la mémoire collective.
Oui se rassurera-t-on, c’était d’une autre époque, d’un autre temps. La croyance dans l’infériorité des races non blanches était une évidence quasi-biblique, supportée par les recherches des plus éminents savants, des disciplines entières étant dévouées à la démonstration de la supériorité hellénique.
Il faut ne pas ménager ses efforts pour faire entendre cet argumentaire un rien rapide si ce n’est confortable, mais il est des histoires contemporaines qui font réellement douter de l’abandon par les humanistes à la criée du credo des races inférieures. L’histoire de Baartman alias la Venus Hottentot est de celles là.
Née en 1789 -tiens?- d’un père Khoisan -hottentot pour les hollandais- et d’une mère Bochiman, Saartjie (Sara) Baartman devient très jeune, l’esclave d’un fermier boer -colon hollandais d’Afrique du Sud- après le massacre de sa famille. Elle est convaincue par un sergent de la marine anglaise, William Dunlop, que tous deux pourraient faire fortune en Angleterre où la haute société paierait des sommes considérables pour admirer ses particularités anatomiques, fessiers et organes génitaux tout spécialement protubérants.
Le nom de Saartjie Baartman lui est attribué par Dunlop, au départ pour Londres, mais elle y sera exploitée sous l’étiquette de Hottentot Venus, pour coller à l’attraction qu’elle devait représenter. Pendant 4 ans exposée et exhibée en Angleterre, de cirques en musées, de musées en bars et même dans les universités, l’infériorité étant scientifique, c’est l’intervention d’un activiste anti-esclavagiste d’origine jamaïcaine, Robert Wedderburn qui va perturber la rentabilisation du capital.
Sara Baartman échouera par la suite à Paris dans les mains précautionneuses d’un dresseur d’animaux, un dénommé Réaux. De nouveau sur le registre zoologique, au Jardin des plantes, elle est l’objet de l’attention des curieux et des scientifiques. A l’invitation d’Etienne Saint Hilaire elle fait l’objet d’examens et d’observations de scientifiques et de peintres… C’est alors que le professeur d’anatomie comparée, zoologue et chirurgien de Napoléon Bonaparte, Georges Cuvier rencontre ce qui est pour lui un spécimen, une preuve de l’infériorité irrémédiable de certaines races.